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En Argentine, choisir son genre devient un droit

 Argentine, choisir son genre devient un droit

C'est une première, qui place l'Argentine en pays précurseur. Après l'autorisation du mariage homosexuel en 2010, le Sénat argentin a approuvé dans la nuit de mercredi à jeudi un projet de loi permettant aux transsexuels et travestis de choisir librement leur genre.

Ce texte autorise les citoyens argentins à déclarer le sexe de leur choix, et ainsi de changer d'état civil selon leur bon vouloir, sans nécessiter l'accord d'un médecin ou d'un juge. L'identité de genre ne dépend plus que du "vécu intérieur et individuel du genre, tel que la personne le perçoit elle-même"
."Toute personne peut demander un changement de sexe, de prénom et d'image, à partir du moment où ils ne correspondent pas au genre de cette personne, telle qu'elle la perçoit", précise la loi argentine. Aucun changement physique - opération chirurgicale, prise d'hormones ou traitement médical - ne sera donc requis pour changer d'état civil.

"Toute personne peut demander un changement de sexe, de prénom et d'image, à partir du moment où ils ne correspondent pas au genre de cette personne, telle qu'elle la perçoit", précise la loi argentine. Aucun changement physique - opération chirurgicale, prise d'hormones ou traitement médical - ne sera donc requis pour changer d'état civil.
La personne n'aura plus qu'à se rendre au Registre national des personnes avec sa simple demande, ce qui est "quasiment révolutionnaire", affirme Anne-Gaëlle Duvochel, présidente du groupe d'étude sur la transidentité, le Gest.

"CETTE LOI EST EXTRÊMEMENT SURPRENANTE"


Jusqu'ici, les citoyens argentins souhaitant changer d'état civil ne pouvaient le faire qu'avec l'accord d'un juge. En votant cette loi, "l'Argentine institue un droit à choisir son genre de manière libre et souple", poursuit Anne-Gaëlle Duvochel.

"Quel que soit votre parcours, si vous dites que vous êtes une femme, vous obtiendrez une carte d'identité de femme."
"Vous n'avez plus à vous faire opérer pour obtenir ce changement", expliquait fin avril Pedro Paradiso Sotille, membre du groupe lesbien, gay, bi et trans (LGBT) Comunidad Homosexual Argentina, cité par ABS-CBN News. "C'est un gigantesque pas en avant pour le mouvement des droits LGBT en Argentine." Car c'est sur ce point que la loi marque une vraie rupture, tant au niveau national qu'international : le genre d'un individu tel qu'écrit sur ses papiers d'identité sera décidé par la seule appréciation de la personne. Souvent, une décision judiciaire ou la preuve d'une opération chirurgicale de changement de sexe est requise pour changer d'identité.

Et même si des pays comme l'Espagne ou le Royaume-Uni ne demandent pas ces conditions, une "dysphorie de genre" - un décalage psychologique entre le sexe physique et l'identité de genre d'une personne - doit être diagnostiquée pour pouvoir modifier son état civil. "Au regard de nos sociétés, où l'Etat constate notre sexe et le fige, cette loi argentine est extrêmement surprenante", insiste Anne-Gaëlle Duvochel.


UNE LONGUEUR D'AVANCE SUR LA FRANCE

Ce changement législatif marque un progrès notable pour les droits des transsexuels et transgenres en Argentine, notamment en comparaison avec la situation française. "C'est une avancée incroyable, cela semble tellement souple", réagit David Bachalard, avocat au cabinet Apelbaum et associés, spécialisé notamment dans le changement de sexe. "Nous n'en sommes pas là, nous !"

En France, le changement de la mention du sexe dans l'état civil est conditionné à la preuve d'une "réassignation sexuelle irréversible", explique l'avocat. Celle-ci doit être constatée médicalement et faire l'objet d'une expertise judiciaire, psychologique et psychiatrique. Après passage de la demande devant ce collège d'experts, la décision du changement de sexe revient au tribunal. "Et il faut compter entre un an et un an et demi pour l'obtenir", précise David Bachalard.

Depuis 1992, le changement de sexe à l'état civil est seulement régi par un arrêt de la Cour de cassation jugeant que : "Lorsque, à la suite d'un traitement médico-chirurgical [...], une personne présentant le syndrome du transsexualisme ne possède plus tous les caractères de son sexe d'origine et a pris une apparence physique la rapprochant de l'autre sexe, auquel correspond son comportement social, le principe dû au respect de la vie privée justifie que son état civil indique désormais le sexe dont elle a l'apparence." La législation n'a pas beaucoup changé depuis.

CHANGEMENT LÉGISLATIF EN ATTENTE

En mai 2010, une circulaire du ministère de la justice a reconnu "l'absence de disposition législative ou réglementaire en la matière" en France. Quelques jours plus tôt, le Conseil de l'Europe adoptait la résolution 1728, demandant aux Etats-membres de garantir aux transsexuels et transgenres un droit à des papiers d'identité adaptés, "sans obligation préalable de subir une stérilisation ou d'autres procédures médicales, comme une opération de conversion sexuelle ou une thérapie hormonale".

"La loi argentine est très proche de cette résolution", analyse Emilie Garçon, responsable Ile-de-France de l'Association nationale transgenre (ANT). "Nous, nous demandons l'application stricte de cette résolution. Un changement d'état civil avec deux témoins", et rien de plus.

Séparer état civil et traitement médical, comme c'est désormais le cas en Argentine, est l'une des revendications majeures des transsexuels et transgenres. Le 29 décembre dernier, 73 députés PS ont déposé une proposition de loi allant dans ce sens, demandant de supprimer l'obligation d'une opération chirurgicale pour obtenir un changement de sexe sur l'état civil.

Mais fin de législature oblige, ce texte n'a pas encore été adopté, et ne devrait pas être débattu "avant la fin de l'année, voire l'année prochaine", estime David Bachalard. Dans le cas où la proposition est votée, une situation similaire à l'Argentine pourrait-elle voir le jour en France ? "J'imagine difficilement qu'il n'y ait aucun contrôle judiciaire", relativise l'avocat. "Je vois mal la justice ne pas se saisir de ce problème, notamment pour les changements de prénom."

Pour Emilie Garçon, cette proposition de loi "est une résolution 1728 à la française", incluant une notion d'"abus" de demandes qu'elle juge "effrayante". La responsable associative reste sceptique quant à de vraies avancées en France : "Vous savez, ici, on en est encore à refuser l'inscription de la transphobie dans les discriminations."

Pour :Valentine Pasquesoone

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